Les noms des lieux
978 : Nisiacum
1050 : Vicus Lucidiaci
1052 : Luziliocum
1245 : Luzillac
1283 : Luzullac
1286 : Luzillac
1406 : Luzilhiacum
1520 : Noziuat (proche du patois actuel : Nzillat)
Un seigneur de Luzillat voulut faire comme à Pont-du-Château, construire un barrage et une écluse dans le lit de l’Allier pour alimenter son moulin. Danger pour la navigation, la démolition fut demandée. Mais le propriétaire du moulin ayant refusé de se conformer aux injonctions, il y eut procès en 1497.
A Luzillat, de même qu’au sein de toutes les communes de France la dénomination des lieux remonte à la nuit des temps. Les toponymes sont d’origine ligure, gauloise, romaine, franque, romane, et quelquefois datent de deux siècles seulement.
Le relief, le climat, les cultures, les croyances, les animaux ou tout simplement les caractéristiques du paysage ou du sol ont permis aux hommes de désigner un village ou un territoire de peu de superficie par un nom précis qui, de nos jours, n’a plus beaucoup de sens.
Si nombre de ces toponymes ont été « mutilés » par la mauvaise orthographe, par ailleurs la signification des mots a profondément changé au fil des siècles : la langue a évolué. Les vieux peuples ligures avaient leur idiome, les Celtes en amenèrent un autre, puis les Romains tentèrent d’imposer le latin, ensuite arrivèrent les Barbares avec armes, bagages et langage, alors on vit poindre à l’horizon du Xème siècle la langue romane qui appela l’ancien français pour aboutir de nos jours au parler que nous pratiquons.
Dans le haut Moyen Age le canard était l’âne, la buse le butor, le pigeon ramier le favard. Périodiquement des mots tombent en désuétude, ils ne sont plus usités, ils disparaissent au profit de néologismes qui finissent par entrer dans le dictionnaire. Le patois n’a pas échappé à ce processus commode. Aujourd’hui, sans trop exagérer, on peut dire de la vieille langue qu’elle n’est plus que du « français patoisé ».
Sur la commune de Luzillat les noms des lieux étaient multitudes, mais le remembrement a considérablement réduit leur nombre et seuls quelques vieux paysans ont encore en mémoire les noms disparus de tel ou tel lopin de terre.
En se référant à Jean Louis Beaucarnot, à Marie Thérèse Morlet, Charles Rostaing et M. Dauzat qui ont étudié les noms de famille et de lieux on peut traduire et expliquer quelques uns d’entre eux. Ces explications sont tout de même à prendre avec des réserves.
La commune de Luzillat est vaste et de ce fait on retrouve plusieurs fois les mêmes noms de lieux sans qu’il puisse exister une confusion entre eux. C’est le cas des Varennes, des Garennes, des Charmes, des Chars, des Bernes, des Littes, des Curades, des Prades, des Queues, etc….
Les Varennes et les Garennes étaient des terres incultes exclusivement réservées à la chasse du Seigneur. Les Littes, du latin «litus», signalaient une bordure, une rive, une limite de domaine. Il en est de même pour « Finet » qui signifiait frontière au IVème siècle. Les Chars peuvent être pris au sens de friches mais dans les langues pré-indo-européennes char se traduit par gravière. La Prade est le féminin de « pra » et se traduit par prairie. Le mot « pré » a composé beaucoup de noms de lieux surtout au sud-ouest de Luzillat : Pré Détruit et Pré Brenet (défrichés par essartage), Pré Bagnat (humide), Pré Matreux (source divinisée), Pré Banal (propriété communale), Pré Trio (trèfle), Pré Madame, Pré long, Pré Blanchon, Pré de Char.
Le Paquier était la surface nécessaire à la nourriture d’une vache. Les Paquets, le Pacha, et Le grand Paché sont peut être des formes dérivées de paquier.
Suivant les époques, La Charme a été employée pour désigner un bois de charmes, un champ cultivé ou une divinité. La traduction latine « carmen » veut dire magie, enchantement.
En ce qui concerne Les Bernes et les Curades, si l’on s’en tient à leur sens actuel, les curades sont des rases d’écoulement entre deux billons de terre labourée. Par extension on peut envisager un emplacement qui recevait les eaux (Bois Cureaud). De même les bernes permettent l’écoulement de l’eau, mais le mot signifie également fortification, palissade. Les Queues sont extrémités, on disait autrefois la queue du bois, la queue de l’étang. Au XIIIème siècle une demi-queue d’Auvergne était un tonneau qui contenait 292 litres de vin. La queue est aussi la pierre à aiguiser.
Certains noms de lieux sont formés à partir des arbres, des plantes et des pierres : la Nugérade (noyers), les Prugnas (pruniers), la Prumériade (pruniers), le Prunier, les Pins, le Noyer Murat, la Jonchère (joncs), les Sorbes (sorbiers), les Troncéras (troncs de chêne), le Poirier vert, la Perche (saule),Terre de chanvre, les Brossons (broussailles), le Bouchet (bois qui enclave des prés), la Vigne, le Grand Verger, les Plantades (plantation de vignes à Limons), Chardonnet (terres couvertes de chardons), les Vorts (osier), les Quairas (pierres calcaires très dures que l’on nomme « tête de mort »), les chauves et les chauvines sont des couches de terre blanche. « Les Graviers » et « les Cailloux » vont sans explications.
Les terres très anciennement cultivées portent le nom de champ d’où : Champ Martel (martel : vanne d’eau), Champ Benaud, Champ de Rome, Champ Lafarge (le forge), Champ Lépine, Champ Lacroix, Champdias, Grand Champ, Chambade (bade : porte), Chambon (bon champ), Champaure (Champ pauvre ou champ du pauvre).
Le Seigneur cédait quelquefois des terres aux villageois en échange de service, celles-ci furent dénommées les Giffardes, les Venières, ou Veneiras.
Les croyances ont donné des noms de lieux autour de la butte de Montgacon : aux Nymphons coulait peut être une fontaine consacrée aux nymphes, mais le nympheau est aussi un trèfle d’eau, au pré Matreux s’épanchait certainement une source divinisée car le culte des déesses mères (les matres) se trouvait très développé en Gaule. Le Puy Mary (commune de Maringues) a-t-il des ressemblances morphologiques avec le Puy Mary (Cantal) ou bien saint Mary fit-il un détour par Montgacon ?
Près du Puy de Vendègre à Bélime, on a dû rendre un culte à Belenos ou à Belisima la déesse gauloise du feu et de la forge. On trouve aussi la Queue de la Croix, la Croix Blanche, la Croix de Villars, la Croix Saint Marc qui sont des toponymes plus récents.
Nos ancêtres éprouvaient des sensations thermiques (Mont Froid) visuelles (plaine de Bellevue, Puy Blanc), de fatigue (le Gripet : chemin qui monte raide), de respect (Pré de la Dame) ou auditives (Les Perdioux : endroit où les perdrix chantaient toute l’année, ou bien un marais où coassaient les grenouilles).
Il y a aussi les noms qui dérivent des caractéristiques physiques des hommes ou de leur métier. La Boche (bosse) était le champ du bossu. Aux Chabrins vivaient des gens lestes comme des chevreaux. Au Roueras, il y avait peut-être un fabriquant de roues, un charron. A Lafarge travaillait le forgeron (farge : forge). Aux Vachers, on y gardait les vaches à longueur d’année : le vachon était un mauvais gardien de vaches. Le Piau était le surnom du bûcheron et le trabia celui du charpentier.
Afin de désigner les villages, on a utilisé les patronymes des propriétaires terriens. Le village des Coutants doit son nom à Jean Constant de Bralais, mais deux fautes d’orthographe ont transformé Constant en Coutants. Le village de la Barbine autrefois appelé Vasiat (lieu vaseux) prit le nom ou le surnom du propriétaire local, un certain Barbin. Le Gallo-Romain Lucilius légua son nom à Luzillat.
Vialles et Villeret étaient à l’origine des fermes gallo-romaines qui devinrent des villages. Villars serait un mot de conception romane (Xème siècle), il indique un domaine créé à partir du démembrement du domaine principal. Les Garmins : il pourrait s’agir d’une forme ancienne de Germanicus, nom d’un domaine gallo-romain. Demolle est un mot gaulois qui signifie « plan du milieu ». Partout en France on trouve des Mollens, Molle ou Molliens qui évoquent le milieu.
« Maréchaux »a désigné au Moyen Age le forgeron, ou des garçons d’écuries à l’époque franque. L’Armonière est peut être une déformation de romanière (camp romain) mais Marcel Laurent dans « l’histoire de Vinzelle et Charnat » rapproche Armonière du terme aumône. Seulement la « Bade » pourrait bien être la porte du camp romain.
Vendègre, Vendegradum en 998 se traduit littéralement par escalier blanc. Une parcelle de terrain blanc (calcaire) située au-dessus du village de Vendègre porte effectivement le nom « d’Escalier », et « Vendo » : blanc est un mot gaulois.
Le minot est une ancienne mesure de capacité qui contenait 39 litres de grain ou de farine, mais le minot est aussi le surnom du mesureur. On peut donc raisonnablement penser que l’origine du village des Minots se trouve dans le calibrage ou la mesure d’une denrée, mais laquelle ? Il se pourrait que tous les paysans de la région possédant du grain à vendre, soient allés faire mesurer (on ne pesait pas) le dit grain aux Minots où se trouvaient des mesures peut-être creusées dans la pierre.
Montgacon n’a plus de secret pour personne, c’est le mont gascon, le Mont Vasconis, qui nous vient de la Vasconie, l’ancien Pays Basque. Les Basques venus d’Espagne remontèrent l’Aquitaine et s’accaparèrent la butte de Montgacon mais ils ne colonisèrent que le pays où ils vivent aujourd’hui.
Les Périlèves se traduisent presque trop facilement par pierres levées.
Sur la commune de Luzillat il y a eu bien sûr des gens venus de lointaines contrées qui se sont installés à l’écart des villages. Une famille du pays d’Ousse (Pyrénées Atlantique) a peut-être vécu aux Doussaintes, une autre venue de Sarran (Corrèze) a pu s’établir aux Sarraniers. Chez Vichoux vivait peut-être un homme surnommé par dérision le Vicaire.
On pourrait comme cela traduire une grande partie des lieux-dits de la commune, mais malheureusement à la naissance du cadastre des fautes de transcription ont été commises. Les toponymes qui, eux, s’avèrent exacts peuvent être interprétés dans un sens très différent de leur véritable acceptation. C’est sûrement le cas pour quelques uns d’entre eux qui sont cités dans ce texte. Cependant l’analyse des noms de lieux est passionnante, elle ouvre la porte sur le passé lointain et fait revivre les temps agrestes où la vie des hommes était entièrement consacrée au travail des champs et au petit élevage du bétail.
Document de Gérard Soumillard